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Dihya, Daya Ult Yenfaq Tajraw
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Dihya, Daya Ult Yenfaq Tajrawt (belle gazelle, en tamazight), est surnommée la Kahena ou Kahina (la sorcière, en arabe) par certains historiens musulmans, comme Ibn Khaldoun. Elle est née vers 664, dans les Aurès, et morte en 704[1], dans les montagnes autour de Khenchela, ou plutôt 702-703[2]. Elle est enterrée à Bir El Ater (Tébessa), selon une intervention, lors du 6e colloque sur El Kahina, à Khenchela, du Professeur Zineb Ali Benali, de l'université Paris VIII.
A la fin de l'Antiquité, l'Ifriqiya appartient au monde chrétien et à la communauté latine. Un changement culturel, qui peut passer pour radical, va faire des Berbères, dont beaucoup se croient Romains, des musulmans[3].
Daya Ult Yenfaq Tajrawt est le chef de la tribu des Djerawas, puis devient la reine guerrière de tous les Berbères des Aurès qui règne de 685 environ à 704. Elle s'oppose à Hasan ibn al-Nu'man et aux Omeyyades lors de l'expansion islamique en Afrique du Nord au VIIe siècle. Al-Kahina dirige la résistance la plus déterminée à l'invasion. Autour de 690, elle commande toutes les armées d'Afrique du Nord[4].
C’est une des premières reines guerrières de l'Histoire. Chef de guerre, chevalière invincible, et intrépide, considérée par les Berbères comme meilleure chevalière de tous les temps, car à elle seule elle a faillie exterminer un bataillon lors d'une bataille livrée aux Arabes.
Certains auteurs la considèrent comme juive[5], d'autres comme chrétienne[6] et Ibn Khaldoun en fait une sorcière dans son Histoire des Berbères. Pour certains musulmans être juif c'est être le diable[7].
Bien que de nombreuses sources parlent juste de la Kahina, son surnom, Ibn Khaldoun est le seul qui donne son nom :
- Parmi eux les Jarawa les plus puissants se distinguaient surtout la Kahina, reine des montagnes des Aurès. Awras de son vrai nom[8].
Sa résistance et celle de Kosaila (ca 640 - 686), avant 686, sont tellement opiniâtres, que les armées musulmanes reculent parfois. Ils doivent promettre une certaine autonomie aux Berbères, en échange de leur soumission et de leur conversion[9].
Femme éprise de liberté, femme amazighe, elle honore leur histoire. Elle brille comme une lumière qui éclaire le long chemin vers l'identité et la liberté des Berbères. Citons le chant de guerre de Dihya :
- Galope ma jument amazighe
- Et guide les miens vainqueurs
- Je suis la Dihia guerrière[10].
Ibn Khaldoun nous dévoile que la Kahina a des pouvoirs magiques et écrit : Hassan accorde au fils de la Khahina le commandement en chef des Djerawas et le gouvernement du Mont Awres, il faut savoir que d'après les conseils de cette femme, conseils dictés par les connaissances surnaturelles que ses démons familiers lui avaient enseignées, ses deux fils s'étaient rendus aux Arabes avant la dernière bataille Il faut casser l'image de la résistante en en faisant une juive envoyée par le diable pour combattre le Djihad, qui va être responsable de la destruction des forêts, des cultures irriguées et des villes et villas de l'Empire romain.
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SA FAMILLE ET LEUR RELIGION[]
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Dihya est la fille de Tabat, descendant de Nisan (Tiqan)[11]. Son père est le chef des Djerawas, une tribu berbère de l'Aurès, au cours au milieu du VIIe siècle. Certains historiens parlent plutôt d'un clan princier[12].
Tabat, selon certains spécialistes s'appelle Matiya, forme arabisée des prénoms Matthias ou Matthieu et est dit le fils de Tífan (Théophane). À la fois un des fils et le père de Dihya portent des prénoms chrétiens[13].
Au XIXe siècle, et par la suite, des romanciers prétendent que Daya Ult Yenfaq Tajrawt est juive et que ceux de sa tribu sont des Berbères judaïsés, ce que les universitaires actuels réfutent totalement[14]. Le surnom que lui donnent certains historiens arabes, bien après son combat contre les envahisseurs musulmans, la Kahena, rappelle le nom juif Kohen (en hébreu prêtre, en arabe sorcier). La prétendue conversion au judaïsme de la tribu des Djerawas est une pure invention. Consuela Lopez-Morillas ou Oliver Asin - entre autres - les considèrent comme chrétiens[15]. C'est aussi l'avis de Gabriel Camps[16].
Ibn Khaldoun, historien musulman bien des siècles après, raconte qu'à la fin des empires romain et byzantin des mouvements dits de conversion au judaïsme ou de judaïsation ont lieu chez les Berbères et les Soudanais. Haim Zeev Hirschberg dit que tout ce qu'il écrit sur ce sujet est totalement infondé[17]. Camps ajoute que les provinces romaines d'Afrique ont été évangélisées au même rythme que les autres provinces de l'Empire romain et possédant des églises vigoureuses[18].
Haim Zeev Hirschberg ajoute que dans les légendes orales des juifs d'Algérie, bien au contraire la Kahya est dépeinte comme un ogre et persécutrice des Juifs.
Selon al-Maliki, Dihya, la Kahina transporte lors de ses voyages ce que les Arabes appellent une idole, peut-être une relique de la Vierge ou l'un des saints chrétiens, mais certainement pas quelque chose associée à des coutumes religieuses juives[19]. L'argument que les juifs sont des Berbères ou des Khazars (peuple d'origine turc) convertis est de nos jours est surtout repris par des propagandistes antisionistes.
Daya Ult Yenfaq Tajrawtal-Kāhinat est peut-être d'ascendance mixte : berbère et byzantine chrétienne, puisque l'un de ses fils est décrit comme un Yunani ou Grec[20]. Il faut plutôt voir en Daya une Berbère romanisée.
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SA JEUNESSE[]
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Le Jihad[]
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De la péninsule arabique les Arabes partent à la conquête du monde. C'est le Jihad par l'épée qui légitime ces guerres contre les non-musulmans[21]. Michael Bonner, dans Le Jihad. Origines, interprétations, combats, souligne que le Jihad est considéré comme un outil pour ouvrir le fath (monde) à l'islam. En 643, les Arabes, dirigés par le calife Omar, atteignent la Tripolitaine et réduisent en esclavage les femmes et les enfants au profit de l'armée musulmane. Néanmoins les musulmans voient leurs armées engagées dans une campagne visant à la conquête de l'empire sassanide. Ils ne veulent pas s'engager plus loin en Afrique du Nord, car le pouvoir musulman en Egypte est encore faible. Le calife émet des ordres stricts d'abandonner Tripoli, vers la fin de l'année 643, selon Muhammad Husayn Haykal et son al Farouq Umar.
Cependant la tradition prophétique présente aussi le Jihad comme un moyen de subsistance. Le Prophète dit :
- Allah a placé ma rizqi (subsistance) sous ma lance.
Les siras et autres ouvrages d'histoire islamiques montrent aussi que les batailles permettent d'exiger des capitations des populations assujetties[22].
Le Prophète interdit de disposer à sa guise des prisonniers, et de tuer les femmes et les enfants lors des batailles[23]. Les captifs doivent devenir des esclaves ou être relâchés sous rançon. C'est aussi la règle chez les chrétiens à cette époque.
Dans l'Ifriqiya les habitants romanisés des villes et des plaines du littoral se sont convertis au christianisme. Mais la domination romaine s'effondre. Avant l'invasion arabe de farouches guerriers, les Levathae, les mêmes que les auteurs arabes appelleront plus tard Louata, ruinent le grenier à blé de Rome. Ces nomades chameliers, venus de l'est, pénètrent dans les terres méridionales de la Byzacène (Kairouan) et de Numidie (nord de l'Algérie) qui avaient été mises en valeur au prix d'un rude effort soutenu pendant des siècles et font reculer puis disparaître l'agriculture permanente, remplacée par une steppe désolée[24].
Au VIIe siècle; la complexité sociologique, voire ethnique, du pays, s'accroît encore. Aux Romano-Africains des villes et des campagnes, et aux Maures non romanisés issus des gentes paléoberbères, se sont ajoutés les nomades zénètes, les Laguantan et leurs émules, les débris du peuple vandale, le corps expéditionnaire et les administrateurs byzantins qui sont des Orientaux. Cette société devient de plus en plus cloisonnée dans un pays où s'estompe la notion même de l'Etat[25].
Les sociétés paysannes sont parfois très méridionales comme le montrent les Tablettes Albertini, archives notariales sur bois de cèdre, trouvées à une centaine de kilomètres au Sud de Tébessa[26].
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Une princesse berbère[]
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Kosaila (ca 640 - 686) Dihya naît vers 664. Après la domination carthaginoise, romaine et vandale, les Byzantins gouvernent et sont censés protéger l'Ifriqiya. Cet empire, succède de Rome en Afrique du Nord au nom de la défense de la chrétienté et de l'Empire. Le général Bélisaire bat les Vandales, tandis que la pacification du territoire reste laborieuse du fait des révoltes de certains Berbères[27]. D'autres se convertissent au christianisme et sont alliés des Byzantins.
C’est dans ce contexte que survient peu après la conquête musulmane, avec là-encore des conversions. En 664, Gennadius, exarque d'Afrique, refuse d'envoyer au gouverneur des provinces occidentales de l'Empire, Constans, les recettes des impôts, et expulse le représentant de l'empereur[28]. Ces actes de rébellion provoque un soulèvement en Afrique. Les garnisons se joignent aux citoyens, dirigés par Eleutherios le Jeune, et expulsent Gennadius, en 665[29]. Le Byzantin malhonnête et rebelle, Gennadius, se réfugie à la cour du calife Muawiya à Damas. Ce traître lui demande de l'aide pour reprendre Carthage. Le calife accepte et envoie une armée avec Gennadius pour envahir l'Afrique byzantine en 665[30].
Dihya est la fille aînée d’un grand chef des Aurès. Dahya ne connaît pas les contraintes. Mais des femmes de sa tribu, les Djerawas, elle possède la beauté farouche, des hommes, le courage indomptable. Ibn Khaldoun propage de nombreuses légendes sur Dihya. Un certain nombre d'entre eux se réfère à sa longue chevelure ou sa grande taille, deux caractéristiques légendaires des sorcières. Elle est également censée avoir le don de prophétie[31]. Ibn Khaldoun raconte qu'elle a trois fils, ce qui est caractéristique des sorcières dans les légendes. Dans la réalité, deux sont les siens et le troisième est un jeune prisonnier arabe adopté. Une autre légende prétend que, dans sa jeunesse, elle a parait-il libéré son peuple d'un tyran en acceptant de l'épouser, puis l'a tué lors de leur nuit de noces.
Enfant Daya Ult Yenfaq Tajrawt ne connaît que la guerre. Sa tribu est alliée des Byzantins et combat les musulmans. Kosaila (ca 640 - 686), prince chrétien berbère combat lui-aussi les musulmans.
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CAECIHU-KOSAILA (ca 640 - 686)[]
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En 665, une armée califale bat les Byzantins débarqués à Hadrumète, mais se replie sur l'Égypte. En 670, Uqba ibn Nafi (622 - 683), fonde au cœur de la Byzacène une place forte, Qairawan (Kairouan), pour tenir en respect les Byzantins des villes côtières. Son but est aussi de défendre des Berbères.
Koceïla-ben-Lemezm (ca 640-686), Aksil, chef de tribu amazighe résiste à la conquête musulmane. Son nom, Aksil (guépard en amazighe). Kosayla ou Kusila, en arabe, peut être rapproché de Caecilianus, en latin. D'après une ingénieuse supposition de Ch. E. Dufourcq, Koceila porte un nom latin : Caecihus, déformé par les Arabes[32]. Si Dihya va être surnommée la sorcière, ce prince lui a le droit au surnom peu flatteur de Kelb-Roumia (chien de l'étrangère).
La tribu dont il devient le chef réside le long de la bordure méridionale du Tell (le sud tunisien et algérien). Elle est formée par les sédentaires Aouraba du groupe Branès selon la fameuse classification des Berbères établie par Ibn Khaldoun. C’est ainsi que les chroniques arabes adjoignent à son prénom, les ethniques El-Aourabi et El-Baranssi. sa confession est chrétienne et laisse imaginer au vu de son rang social une culture latine en plus de son rapprochement signalé avec le monde byzantin[33].
Aksil à l'époque de la révocation de Uqba ibn Nafi (622-683), en 675, et la nomination à sa place de Ibn Mouhajir Dinar lève alors une armée, mais il est vaincu près de Tlemcen.
Le prince se convertit à l’Islam, tout en restant aux côtés du vainqueur dont il est un proche collaborateur. Uqba ibn Nafi (622-683) est nommé à la tête du Maghreb en 681, mais Koceila subit un tas de brimades de ce gouverneur.
En 682, avec ses troupes arabes et des Mawâli (convertis berbères), Uqba ibn Nafi (622 - 683) entame une grande chevauchée jusqu’au rivage de l’Atlantique, non sans provoquer quelques soulèvements de tribus, tout en bénéficiant d’appuis d’autres chefs berbères.
Luis Garcia de Valdeavellano écrit que :
- Les Arabes chefs avaient considérablement étendu leurs possessions africaines, et dès l'année 682 Uqba avaient atteint les rives de la de l'Atlantique, mais il était incapable d'occuper Tanger, car il a été contraint de rebrousser chemin vers le montagnes de l'Atlas par une personne mystérieuse qui est devenu connu dans l'histoire et la légende comme le comte Julien. Les historiens musulmans ont parlé de lui comme Ilyan ou Ulyan, son véritable nom était probablement Julian, le Uldoin gothique ou peut-être Bulian[34].
Koceïla-ben-Lemezm (ca 640 - 686) fait partie de son armée et l’accompagne dans son expédition qui le mène au Rif, et à Souss… Là, Uqba ibn Nafi (622 - 683) massacre les habitants de cette région et s'empare de leurs femmes. Il pénètre à cheval dans l'Atlantique prenant Allah à témoin qu'il n'y avait plus d'ennemis de la religion à combattre ou d'infidèles à tuer[35].
Les tribus qui ont embrassé la foi islamique sous la menace du sabre, reviennent à leur première religion chrétienne ou païenne. Kosaila (ca 640 - 686), très maltraité, est au nombre de ces apostats[36]. Sur le chemin de retour, Aksil reprend ses correspondances avec les Byzantins et profite d’une occasion pour prendre la fuite. Son armée augmente pendant que celle de son ennemi diminue en raison de la défection des Berbères, sans oublier la présence des Roums.
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La bataille de Tahouda[]
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Au retour de son raid, Uqba est surpris en 683 par une coalition de Byzantins et de Berbères chrétiens placés sous les ordres du prince awraba Koceïla-ben-Lemezm (ca 640 - 686)[37].
Devant la brutalité inouïe de Uqba et de ses troupes, qui effraie même le Calife à Damas, les citadins gréco-byzantins oublient leur méfiance des Berbères et décident de former une alliance avec eux. De leur côté, les différentes tribus et principautés berbères acceptent de s'unir pour la circonstance. Le chef choisi pour diriger cette coalition anti-arabe est le prince berbère chrétien, Koceïla, qui gouverne un vaste royaume semi-indépendant dans les Aurès[38].
Les garnisons arabes sont massacrées dans les villes où elles stationnent. Uqba est forcé de se replier vers l'Est. Il commet alors une grossière erreur : il sépare ses troupes en deux, renvoyant vers l'Egypte le gros de son armée, chargée d'escorter le fruit de leurs pillages en Afrique du Nord[39].
Uqba est tué lors du combat livré à l'Oued el Abiod, au lieu dit Tahouda, au sud de l'Aurès. Ses gardes, au nombre de trois cents, mettent pied à terre, dégainent leurs épées et en brisent les fourreaux, dont ils sentent bien qu'ils n'auront plus besoin. Uqba et tous les siens succombent. Le corps de sidi Ukba est enterré dans l'oasis de ce nom, à quatre lieues de Biskra.
Aksel marche, en 683, sur Kairouan, base des troupes musulmanes du Maghreb, provoquant la panique chez les chefs arabes dont certains prônaient carrément l'abandon de toutes leurs conquêtes à l'ouest de la Cyrénaïque. Le compagnon d’Uqba, Zuhair ibn Qais se réfugie à Barqa dans l’attente des renforts, ses troupes ayant refusé de lui obéir et d’attaquer les Berbères. Le pays n'en reste pas moins disputé.
Ce n’est que trois ans plus tard qu’arrivent les hommes et l’argent à la rescousse. Une grande bataille oppose en 686 à Mems, à trente kilomètres à l’ouest de Kairouan, l’armée de Zuhair ibn Qais et celle de Kosaila qui est finalement tué dans la bataille après avoir régné durant trois ans à Kairouan.
Si, pour les populations arabisées d'Afrique du Nord, Uqba est devenu un saint (une ville, Sidi Oqba, ayant même été fondée près du lieu de sa mort, à Tahouda, dans les environs de l'actuelle Biskra), la mémoire de Koceïla-ben-Lemezm (ca 640 - 686) reste vivace chez les berbérophones, qui en on fait un symbole de la résistance à l'arabisation forcée[40].
Quant à la grande tribu dont est issu Kosaila, elle laisse d’autres pages dans l’histoire. Les Aouraba du fait de la Conquête musulmane au Maghreb s’établissent dans la région de Taza, dans le Rif et dans la région du Zerhoun, précisément à Walili (Volubilis). Idris ibn Abdallah se marie avec Kenza l’Awrabienne, mère de tous les Idrissides. Mais c'est une autre histoire !
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LE TEMPS DES VICTOIRES[]
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Koceila en prenant Kairouan se présente comme un dirigeant légitime musulman. Cela crée un grand malaise dans les Byzantins.
Quand le roi des Berbères, et des populations côtières, est tué, les Arabes ne laissent qu'une simple garnison à Kairouan, bientôt massacrée par un corps byzantin débarqué à Barka. Constantinople, après des années d'angoisse, envoie des renforts pour renforcer les villes côtières, et remplacer Kosaila.
Le chef arabe Hassan atteint les Aurès après avoir vaincu le chef berbère Kosaila, en 686.
Depuis la mort de Koseila, les Berbères se sont mis sous l'autorité d'une femme surnommée Kahina, qui vit retirée dans les montagnes des Aurès. Hassan marche contre elle. Elle ordonne avant d'aller au combat la destruction de sa propre capitale, Baghaï (à 16 km de Khenchela), de sorte qu'elle ne puisse ni abriter, ni ravitailler les musulmans. Durant cette première bataille, Dihya remporte une victoire sur les troupes d'Ibn Numan à Miskiana (entre Tebessa et Aïn Beïda, dans la région constantinoise)[41]. Dans cette vallée déserte et asséchée, Dihya dissimule son armée pendant la nuit. Lorsque les musulmans l'attaque, ils reçoivent une pluie de flèches tirées entre les jambes des chameaux des Berbères. Cette victoire est depuis appelée bataille des chameaux. Après un combat acharné, les musulmans sont mis en déroute, et plusieurs des compagnons de Hassan sont faits prisonniers. Hassan se retire avec les débris de son armée à Barka, d'où il écrit à Abd-et-Métiit pour l'informer de sa position. Le calife lui enjoint de rester où il est jusqu'à nouvel ordre.
Hassan est à nouveau battu par Dihya, en 695, près de Tabarqa.
Hassan Ibn Numan est nommé comme nouveau gouverneur de l'Ifriqiya par le calife omeyyade. Ce gouverneur, en mettant de côté les vieux conflits avec les tribus locales, décide de supprimer la présence permanente byzantine dans la région. C'est la main noire qui est derrière la plupart des rébellions. Avec une impressionnante armée de 140.000 hommes, surtout des Égyptiens, il décide de soumettre Carthage, la puissante capitale byzantine de l'Afrique, qui jusqu'à présent na pas été prise du fait de ses puissants murs et du réseau de forteresses qui le protègent.
Vers 698, Hassan Ibn Numan lance une attaque rapide sur tous les fronts. Il veut capturer les forts byzantins et détruire le port de Carthage. Sans espoir de renfort soit par terre ou par mer, la ville est finalement prise par les musulmans. Les habitants échappés à la mort ou à l'esclavage en gagnant la Sicile byzantine ou l'Hispania des Wisigoths. L’exarchat de Carthage est finalement mis à bas par Hassan Ibn Numan à la tête de son armée de 140.000 hommes. Il finit par détruire Carthage.
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LE TEMPS DES DEFAITES[]
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Carthage est pillée, sa population est massacrée et les survivants réduits en esclavage. Hassan envoie des troupes dans les campagnes environnantes pour ordonner à la population terrorisée de se rallier[42].
C'est sur les plaines de la région de Baghaï que la reine Kahina fait ériger plusieurs forteresses lors de son opposition à l'avancée de l'armée du conquérant musulman Hasan ibn al-Nu'man, qu'elle défait encore en l'an 698, juste après qu'il ait conquis Carthage.
Les Byzantins envoient une puissante flotte, également renforcée par des troupes wisigoths. L'armée débarque et reprend Carthage, forçant les Arabes à se retirer vers le sud. Mais, étonnamment, ils sont vaincus par les Arabes.
Le calife Abd el-Malik apprend qu'une flotte byzantine a repris Carthage à la faveur des difficultés que rencontrent les Arabes face aux Berbères. Toutefois Carthage est définitivement perdue en 699. Kairouan, rebâtie à cette occasion, prend dès lors la place de Carthage en tant que capitale. La destruction de l’exarchat de Carthage marque la fin de l’influence romaine et byzantine en Afrique du Nord, et la montée de l’islam au Maghreb[43].
Dès l’Exarchat de Carthage vaincu, l’amphithéâtre de Jem devient une forteresse et un lieu de refuge. Le monument est parfois appelé ksar de la Kahena. Vaincue et traquée, elle se réfugie, selon les légendes[44], avec ses partisans dans l’amphithéâtre et y résiste durant quatre ans.
Hasan ibn al-Nu'man demande encore un supplément d'hommes au calife Ibn Marwan pour attaquer les Berbères des Aurès, les derniers résistants, l'ultime bastion.
Les légendes raconte que Dihya fait pratiquer la politique de la terre brûlée pour dissuader l'envahisseur de s'approprier les terres. La reine des Berbères dit à son peuple : Les Arabes veulent s'emparer des villes, de l'or et de l'argent, et nous ne désirons posséder que des champs pour !a culture et le pâturage. Je pense donc qu'il n'y a qu'un seul plan à suivre : c'est de dévaster le pays afin de les décourager. En conséquence. Elle envoie ses partisans de tous côtés pour détruire les villes, démolir les châteaux, couper les arbres et enlever les biens des habitants. Tout le pays, depuis Tripoli jusqu'à Tanger, est, selon ibn-Ziad, entièrement détruit par cette femme. Elle s'aliène par là une partie de son peuple : les citadins berbères sédentaires, les nomades des campagnes. Des querelles divisent les tribus berbères. Mais tout cela est faux[45] et est là pour expliquer la paupérisation du Maghreb après la conquête arabe.
Les Arabes progressent rapidement. Voyant que tout est perdu, la Kahina envoie ses deux fils faire leur soumission à Hassan[46].
Selon la légende, elle est trahie par son jeune amant, qui la poignarde, ou l'empoisonne selon d'autres auteurs. Une autre version dit qu'elle affronte, avec ses dernières troupes, une seconde fois, en 701, l'armée de Hasan ibn al-Nu'man, soi-disant près de Kaïs. Hasan ibn al-Nu'man accourt au devant d'elle avec une armée imposante et plus forte qu'aucune de celles que les Arabes lui ont opposées jusqu'alors. Elle est tuée. Sa tête, coupée et embaumée, est envoyée au calife de Damas. Là encore il s'agit de légendes[47].
Dans la réalité sa fin est différente. La politique de la terre brûlée pratiquée par la reine, selon Ibn Khaldoun, provoque la désunion qu'Hassan sait attiser... Ces péripéties exigent plusieurs mois sinon des années. Ch. E. Dufourcq, se fondant sur d'autres traditions, pense que la mort de la Kahina se situe plutôt en 702-703[48]. Dihaya est vaincue à la bataille féroce de Tabarka[49] et certainement blessée. Elle est contrainte de se réfugier près de Bir El Ater (Tébessa). Elle y est tuée et enterrée[50]. Ce qui explique l'appellation de Bir El Kahina donnée par des historiens à Bir El Ater[51]. Au cours d’une intervention, lors du 6e colloque sur la Kahina, à Khenchela, le Pr. Zineb Ali Benali, de l'université Paris VIII, soutient la thèse de l'enterrement de la reine amazighe à Bir El Ater, la qualifiant de plus plausible que celle de sa décapitation et de l’acheminement de sa tête à Damas au palais du calife omeyyade Abdelmalik Ibn Merouane.
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APRES SE MORT[]
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La province de Carthage, ainsi que tout le nord de l'Afrique, sont très peuplés avant la conquête. Des canaux d'irrigation, de gigantesques aqueducs suppléent en maint endroit au manque d'eau de rivière ou de pluie. Il n'est pas une ville qui n'a au moins un théâtre de pierre ou de marbre, et toujours un cirque aux castes proportions. Partout d'ingénieux systèmes de citernes étanchées et voûtées ; des palais, des temples, des églises construites avec un luxe d'architecture inouï. Un auteur arabe écrit :
- D'immenses et magnifiques forêts séculaires s'étendent depuis la Cyrénaïque jusqu'à l'océan, sans interruption, à ce point, que l'on peut traverser toute l'Afrique, de l'Orient à l'Occident, sous un dôme de verdure et sans apercevoir les rayons du soleil.
Quarante années suffisent (642 - 680) pour couvrir le nord de l'Afrique de ruines sur une étendue de près de huit cents lieues du levant au couchant; quarante années suffisent pour que les marchands et les riches paysans du grenier de l'Empire deviennent des Sarrasins vivant principalement de piraterie ou de pillage.
Des populations des côtes très vite on en entend plus parler. Se convertissent-elles à l'islam ou sont-elles massacrées ou bien encore réduits en esclavage ? De nos jours, malgré l'hétérogénéité berbère, les échantillons d'ADN suggèrent que l'arabisation est principalement un processus culturel plutôt qu'un remplacement démographique[52]. Certains seigneurs musulmans en Europe vont d'ailleurs s'allier à des princes ou des princesses et devenir les amis et alliés du Cid. Néanmoins la mort de Dihya va être le début du déclin de cette partie du monde. Le grenier à blé des empires romain et byzantin devient le pays de bergers incultes et le refuges des pirates barbaresques jusqu'en 1830.
Hasan ibn al-Nu'man propose une amnistie générale. Rentré à Kairouan, il accorde la paix à tous les Berbères qui se soumettent et se convertissent à l’islam, ainsi qu’aux Grecs et aux Berbères chrétiens à conditions qu’ils paient l’impôt. Les Berbères doivent fournir aux Arabes un corps auxiliaire de douze mille hommes. Ils sont commandés par les deux fils de la Kahina[53].
Hasan ibn al-Nu'man développe ensuite Tunis, près de Carthage, puis est remplacé par Mūsā ibn Nuṣayr, vers 705[54]. Ce dernier achève la pacification de l'Afrique du Nord, mais échoue à prendre Ceuta.
Kahina a trois enfants, l'un conçu à partir par un père grec chrétien, le second fils par un père berbère, et le troisième est un Arabe adopté comme fils. Ses deux fils sont généraux, mais aussi gouverneur des Aurès[55].
Moins de 10 ans après la mort de Dihya, c'est un Berbère converti, Tariq ibn Ziyad, qui débarque à côté de Gibraltar. En Espagne les conversions à l'islam vont être là encore être nombreuses et rapides. C'est la cas des Banu Qasi.
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NOTES ET REFERENCES[]
- ↑ Algérie: les racines de l'intégrisme, Saïd Bouamama, Editions Aden, 2000.
- ↑ Ch. E. Dufourcq, La coexistence des chrétiens et des musulmans dans Al-Andalus et dans le Magheb au Xe siècle, Occident et Orient, Congrès de Dijon, Paris 1979.
- ↑ Gabriel Camps, Comment la Berbérie est elle devenue le Maghreb Arabe ?
- ↑ African Mythology, A to Z, Patricia Ann Lynch, Jeremy Roberts, Infobase Publishing, 2010.
- ↑ Joseph Tolédano, Les juifs maghrébins, Brepols, 1989, p.14.
- ↑ Gabriel Camps, Berbères, mémoire et identité, éditions Babel.
- ↑ Histoire des Aurès
- ↑ The Maghreb review : Majallat al-Maghrib, Volumes 7 à 9, Publié 1982.
- ↑ Algérie: les racines de l'intégrisme, Saïd Bouamama, Editions Aden, 2000.
- ↑ ABC amazigh: Une expérience éditoriale en Algérie : 1996-2001, Volume 2 , Smaïl Madjeber, L'Harmattan, 2006.
- ↑ The Berbers in Arabic literature, Arab background series, H. T. Norris, Longman, 1982.
- ↑ The Muslim conquest of Egypt and North Africa, A. I. Akram, Ferozsons, 1977.
- ↑ A gateway to hell, a gateway to paradise: the North African response to the Arab conquest, Volume 7 de Studies in late antiquity and early Islam, Elizabeth Savage, Darwin Press, 1997.
- ↑ Haim Zeev Hirschberg, Le problème des Berbères judaïsés, Journal of African History, 4 (1963), ou Haim Zeev Hirschberg, Une Histoire des Juifs en Afrique du Nord, EJ Brill, Leiden, 1974 et Talbi, Mohammed (1971), Un nouveau fragment de l'histoire de l'Occident musulman (62-196/682-812):. L’épopée d'al Kahina (Cahiers de Tunisie vol 19 p 19-52.).
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