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Claus Schenk, comte von Stauffenberg
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Claus Schenk, comte von Stauffenberg, ou comte Claus von Stauffenberg, ou le colonel-comte Claus von Stauffenberg, est né le 15 novembre 1907, au château de Jettingen, entre Ulm et Augsbourg. Il est fusillé le 21 juillet 1944, par les nazis à Berlin. Son corps n'a pas encore été retrouvé.
Cet aristocrate de Souabe est d'une famille d'officiers catholiques et monarchistes, mais lui et son frère ont comme précepteur, Stefan George, le poète de la Révolution conservatrice. Malgré ses idées hostiles au nazisme, il devient le plus jeune colonel du IIIe Reich. En 1944, ce nationaliste redoute, comme tous les officiers non fanatisés du Haut commandement de la Wehrmacht, que l'Allemagne soit rayée des cartes après la défaite. Pour Stauffenberg et ses amis résistants farouchement anti-communistes, il faut liquider Hitler et sa clique et s'allier aux Anglo-saxons, qui viennent de débarquer, pour éviter que Staline conquiert l'Europe et massacre ses élites.
Le comte, chef d'état-major de l'armée de réserve, organise un attentat pour le 20 juillet 1944. Il veut assassiner Adolf Hitler au niveau de son quartier général en Prusse Orientale, surnommé le repaire du loup. Claus est l'une des rares personnes à avoir accès à Hitler, nous dit Liber amicorum Günther Jaenicke : zum 85. Geburtstag, de Volkmar Götz, Peter Selmer, et Rüdiger Wolfrum. Après l'élimination du tyran la résistance militaire compte neutraliser les unités SS, la Gestapo et les derniers généraux nazis, partout en Europe. Avec Henning von Tresckow et Hans Oster, Stauffenberg est l'un des principaux héros de la résistance allemande au sein de la Wehrmacht. Cependant son Unternehmen Walküre (= Opération Walkyrie) échoue et la plupart des autres comploteurs sont exécutés par les nazis. Des milliers d'officiers sont fusillés ou pendus à des crocs de bouchers.
Claus Schenk, comte von Stauffenberg, est très représentatif de la classe des Junkers. Ces monarchistes, propriétaires terriens, généralement nobles, luthériens et Prussiens ont fait la force de la Reichswehr. Cependant après la défaite, le résidu d'armée de la république de Weimar ne leur convient pas. Il en est de même pour le nazisme, qui veut remplacer les anciennes élites allemandes par une soi-disant race des seigneurs, dirigée par des meneurs issus des bas-fonds. Parallèlement à cela, même s'ils sont opposés au Diktat de Versailles, les Junkers constatent que la Wehrmacht n'est pas prête à la guerre, même en 1939.
Les premières victoires trop faciles, face à des ennemis faibles ou pacifistes, du début de la Seconde Guerre Mondiale, ne les rassurent pas. L'entrée en guerre des Etats-Unis, et la défaite de Stalingrad, vont faire de ces nationalistes généralement partisans d'une société aristocratique des adversaires de celui qu'ils ont finalement toujours méprisé, le caporal bohémien, le peintre en bâtiment.
C'est le cas des Stauffenberg qui sont les descendants du prince-évêque Johann Franz Schenk von Stauffenberg et du feld-maréchal von Gneisenau et de Yorck von Wartenburg, de grands chrétiens ou héros ayant déjà combattu l'oppression bonapartiste. Ces aïeux sont des modèles qui vont jouer un grand rôle dans l'ethos (= éthique) de la famille. D'ailleurs si toutes les familles de Junkers, ou presque, vont devenir des opposants en 1944, ils ne passent pas tous à la résistance active comme les Stauffenberg.
Outre leurs origines, Claus et son frère sont d'anciens membres du cercle de Stefan George, l'auteur du poème l'Ante Christ, qui critique le Führer. Claus récite souvent ce texte à ses proches, nous dit dans Signes et insignes de la catastrophe : de la swastika à la Shoah, Jean-Luc Evard (2005).
- De par son acte, sa jeunesse et son aspect physique, le comte von Stauffenberg apparaît comme la synthèse de l'esthétisme et du néo-nationalisme, écrit Lionel Richard dans son étude sur Le nazisme et la culture (2006).
Ernst Jünger, dans Sur les falaises de marbre, écrit de son côté :
- Quand le sentiment du droit et du bien s'évanouit, quand l'épouvante trouble les sens, alors les forces de l'homme de la rue sont bientôt taries. Mais chez la vieille aristocratie le sens de ce qui est vrai et légitime demeure vivant et c'est d'elle que sortent les nouveaux rejetons de l'esprit d'équité (...) car c'est dans les cœurs nobles que la souffrance des peuples trouve son écho le plus puissant.
Jürgen va vivre après la guerre en face du château des Stauffenberg, victimes du nazisme.
Comme Charlotte Corday, Claus Schenk, comte von Stauffenberg, se prend pour Brutus assassinant César. Comme Tite-Live, il considère qu’en tuant le tyran, on rend au peuple sa liberté. Michel Onfray écrit :
- Et en effet, cette religion du poignard est celle de tous les Résistants au despotisme, à la tyrannie et à l’oppression, qui furent les héros de la Résistance à l’occupant nazi, celle de tous ceux qui, aujourd’hui, opposent la vertu à la corruption politique.
Mais à Stauffenberg n'agissant qu'en 1944 ne peut-on rappeler ces mots en anglais de l'époque de Shakespeare, dans Cymbeline, King of Britain (Act III, Scene 4) :
- Where is thy knife ? (Où est ton couteau) ?
- Thou art too slow ? (Tu tardes trop !).
SA FAMILLE[]
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Les comtes von Stauffenberg[]
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Les Stauffenberg sont l'une des plus anciennes et illustres familles du sud de l'Allemagne. Elle commence en Souabe au XIIIe siècle. Des Reichsrittern (= chevaliers impériaux). Ils sont originaires du Zollerberg et deviennent seigneurs de Stauffenberg. Le premier membre connu est mentionné en 1251.
Les Stauffenbergs reçoivent en 1698, de l'empereur Léopold Ier, le titre héréditaire de Reichsfreiherr (= baron d'empire). La famille se divise en quatre branches : les Katzensteiner, Bacher, Wilflinger et Amerdinger.
Son ancêtre, Franz Ludwig, est fait comte héréditaire du royaume de Bavière, par le roi Louis II. Deux des membres de la famille sont Princes-évêques, l'un de Bamberg et Augsbourg et l'autre de Constance.
Ses grands-parents sont un officier bavarois du Conseil de la Bavière et de la couronne Clément Schenk Graf von Stauffenberg (1826-1886) et son épouse la comtesse Léopoldine Oberndorff (1831-1919).
Les Stauffenberg sont catholiques et possèdent des terres à Jettingen, Wilflingen, Amerdingen, Rißtissen, Lautlingen, Geislingen et Greifenstein, donc dans le royaume de Bavière et une partie du royaume de Wurtemberg. Cette famille a aussi plusieurs châteaux dans le sud de l'Allemagne, dont l'un à Albstadt-Lautlingen (Bade-Wurtemberg) est transformé en musée.
Ses parents[]
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Son père est le comte Alfred von Stauffenberg (1860-1936) et sa mère la comtesse Caroline von Üxküll-Gyllenband (1875-1956).
Sa mère, Caroline Gräfin von Üxküll-Gyllenband, est la fille d'Alfred Richard Graf von Üxküll-Gyllenband et de Valérie, Gräfin von Hohenthal. Cette famille luthérienne appartient à la noblesse balte de l'ancien gouvernement d'Estland, en Livonie. Ce sont des descendants de chevaliers teutoniques issus de la famille Üxküll, venus de Brême au Moyen-Âge. Ils ont le titre de baron et ont essaimé en Russie, en Suède et à nouveau en Allemagne. Parmi ses ancêtres maternels, luthériens, on trouve plusieurs Prussiens célèbres, dont son arrière-grand-père, le feld-maréchal von Gneisenau et Yorck von Wartenburg. Ce sont tous les des héros de la guerre de libération allemande (= die Befreiungskrieg), qui est aussi, comme l'écrit Antonio Gramsci, une lutte contre un césarisme démocratique. Ses cousins, Peter Yorck von Wartenburg (1904-1944) et Gneisenau, sont des opposants au nouveau tyran, comme leurs aïeux avant eux.
L'héritage de ses grands ancêtres célèbres joue un grand rôle dans l'ethos de la famille. Sa mère est une opposante au régime national-socialiste. Son oncle, Nikolaus von Üxküll-Gyllenband (1877-1944), est aussi pendu par les nazis, le 14 septembre 1944, à la prison de Plötzensee de Berlin. Son frère, Berthold von Stauffenberg (1905-1944), est lui-aussi pendu à un croc de boucher.
Les Stauffenberg ne semblent pas avoir trop souffert de la République des conseils de Bavière, en 1919. Cependant, le 11 novembre 1919, une loi constitutionnelle de la république de Weimar abolit les privilèges de la noblesse. Les titres de noblesse sont incorporés dans le patronyme.
Les prénoms qui sont donnés à Stauffenberg sont Claus Philipp Maria Justinien. Il est né dans le château de Stauffenberg, dans la partie orientale de la Souabe, qui à cette époque fait partie du royaume de Bavière (Empire allemand). Il est le troisième de quatre fils. Son frère jumeau, Konrad Maria, est décédé à Jettingen, à la naissance.
Son père est Alfred von Stauffenberg (1860-1936), le dernier Oberhofmarschall (= maréchal de la cour) du royaume de Wurtemberg. Il était chargé des affaires économiques de la cour et proche des souverains. La noblesse bavaroise est, comme la Prussienne, très opposée au nazisme. Lors du putsch de la Brasserie, mené à Munich, par Adolf Hitler et le général Erich Ludendorff, en novembre 1923, le commandant von Lossow et le chevalier Gustav von Kahr, s'y opposent.
Sa femme[]
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Officier de cavalerie, Claus von Stauffenberg épouse la Freiin (= baronne) Nina von Lerchenfeld (1913-2006), le 26 septembre 1933, à Bamberg. Il porte son uniforme et même son casque d'acier. C'est mon devoir, dit-il à sa nouvelle épouse. Elle est la fille du Consul général Gustav Freiherr von Lerchenfeld (1871-1944), et d'une aristocrate germano-balte, Anna von Freiin Stackelberg (1880-1945). Nina est luthérienne. Elle est née à Kaunas, en Lituanie, du temps de l'Empire tsariste.
Stauffenberg est encore élève-officier quand il rencontre sa future femme, Nina, qui est lycéenne. Il n'est ni coureur de jupons, ni alcoolique. Grâce à de nombreuses lectures il est devenu un spécialiste de la Russie.
Lors d'une leçon de danse, il rencontre d'abord une noble germano-balte, la mère de sa future épouse. Elle s'extasie sur le jeune officier et le présente à sa fille. C'est le coup de foudre et ils se fiancent au château familial, en 1930. Elle a 17 ans.
La baronne Anna von Stackelberg (1879 - 1945), belle-mère de Stauffenberg, va être assassinée par les communistes dans un camp de prisonniers, en Pologne, juste après la libération.
Sa descendance[]
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Les enfants de Claus et Nina, pour respecter les traditions de la maison de Stauffenberg, sont baptisés et élevés dans la religion catholique :
- Berthold Schenk Graf Maria von Stauffenberg (né en 1934), futur général de la Bundeswehr, est séparé de sa mère, suite au complot du 20 juillet 1944. Il tient son prénom de son oncle, Berthold von Stauffenberg (1905-1944), pendu à un croc de boucher par les Hitlériens. Ce diplômé de la Schule Schloss Salem, va commander la base militaire de Münster.
- Heimeran Schenk Graf von Stauffenberg (né en 1936), célibataire et sans descendance.
- Franz-Ludwig Graf Schenk von Stauffenberg (né en 1938), avocat et homme politique allemand (CSU). En 1965, il épouse Elizabeth, baronne von Guttenberg. Lors du 20e anniversaire de l'attentat contre Hitler, il obtient que les communistes, et autres collaborateurs de Staline, ne soient pas honorés avec les résistants, car ils sont les représentants d'une dictature toute aussi totalitaire. Depuis la chute du communisme cette mesure devient la règle, peu à peu, dans les pays victimes des communistes (Hongrie, Pologne, Estonie, Lettonie... ).
- Valérie Ida Huberta Karoline Anna Maria Schenk Gräfin von Stauffenberg (1940 - 1966), mariée le 4 avril 1964 à Heino von L'Estocq.
- Konstanze Schenk Gräfin von Stauffenberg (° 1945), mariée le 8 avril 1967, à Dietrich von Schultheiss-Rechberg. Elle est née au camp de concentration de Ravensbrück, où sa mère est prisonnière des fascistes hitlériens. En 2008, Konstanze von Schulthess-Rechberg écrit un livre best-seller sur sa mère, Nina Schenk von Stauffenberg Gräfin.
Les enfants sont placés dans des camps de civils par les alliés, puis dans des familles d'accueil. Nina von Lerchenfeld (1913-2006) est déportée, dans le Tyrol du Sud (Italie), du temps de la mise en place des zones d'occupation alliées et de la récupération des dommages de guerre. Après la guerre, la famille est réunie à nouveau au siège de la famille Stauffenberg, à Lautlingen, dans le Bade-Wurtemberg. Nina va décéder à l'âge de 92 ans, le 2 avril 2006, à Kirchlauter, près de Bamberg.
Décrivant son défunt mari, Nina von Lerchenfeld (1913-2006) déclare : Il laisse les choses venir à lui, et puis il se décide... une de ses caractéristiques est qu'il a vraiment aimé jouer l'avocat du diable. Les conservateurs étaient convaincus qu'il était un féroce nazi, et les nazis féroces étaient persuadés qu'il était un conservateur impénitent. Il n'était ni l'un ni l'autre.
AVANT LA GUERRE[]
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Stefan George[]
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Stauffenberg naît dans le château de son oncle, le comte Berthold von Stauffenberg. Il va vivre aussi à Stutgart. C'est au Eberhard-Ludwig-Gymnasium qu'il est lycéen.
Lui et ses frères sont membres de la Neupfadfinder, une association de scouts allemande, liée aux mouvements de jeunesse de la Révolution conservatrice, dont les Wandervogel (= oiseaux migrateurs). Il est catholique et conservateur comme le reste de sa famille. Tous ses mouvements de jeunesse vont être interdits par le IIIe Reich. Claus von Stauffenberg devient un partisan de la Révolution conservatrice. Il est en la quête d'une société bâtie sur un socialisme aristocratique. Il lit et relit Le déclin de l'Occident et Prussianité et socialisme d'Oswald Spengler. Spengler, comme son futur maître, Stefan George (1868-1933) oublie que la notion d'Occident est juste née de la scission de l'Empire romain. Certes il n'est pas facile de résister à l'appel féerique venu de l'Occident, dont parle Stefan George, dans Le septième anneau. Mais il est vain d'écrire contre ou pour la défense de l'Occident, comme va le faire un Henri Massis. Comme le dit Kipling, l'occident n'est qu'une partie du monde. Stauffenberg va le découvrir en étudiant la Russie, et en se mariant avec une réfugiée germano-russe.
Pour l'heure il est heureux d'aller à rebours de la république bourgeoise de Weimar, du collectivisme marxiste et du populisme raciste et grossier des nazis.
De grande taille pour sa génération (1,85 m), svelte et racé, Claus von Stauffenberg est comparé, à cette époque, au jeune chevalier de Bamberg.
Albert Speer, qui travaille, en 1944, avec lui le décrit comme extrêmement sympathique et une figure quasi-mystique, un grand seigneur.
Avec ses frères, les jumeaux Berthold von Stauffenberg (1905-1944) et Alexander von Stauffenberg, il devient peu à peu un disciple très prche du poète symboliste Stefan George (1868-1933). Grâce à Albrecht von Blumenthal, ils font partie du Georgekreis. Stefan George dédie Das neue Reich (= le nouvel empire), en 1928, à Berthold. Cette oeuvre décrit une nouvelle forme de société régie par une aristocratie spirituelle hiérarchique.
L'obéissance librement consentie est célébrée par Stefan George, dans Le tapis de la vie: Vous parlez de plaisirs dont je n'ai point l'envie
Je sens que dans mon coeur bat l'amour de mon Maître
Vous connaissez le tendre et moi le noble amour
Mais je vie pour mon noble maître.
George rejette le vieux monde et ses croyances chrétiennes. Il n'est pas le seul. Dans la littérature du début du XXe siècle, le paganisme éclate avec DH Lawrence, Colette, Giono, Knut Hamsun, Stefan George (1868-1933), Rilke, Montherlant...
Stefan George pratique l'art comme un pouvoir. Si le penseur rejette toute tentative de l'utiliser à des fins politiques, en particulier en soutenant ou s'opposant au nazisme, il n'en n'est pas de même de ses disciples. Ernst Jünger subit, dès son plus jeune âge, son influence. Stauffenberg cite souvent un poème de George sur Hitler, L'antechrist, nous dit, dans Signes et insignes de la catastrophe : de la swastika à la Shoah, Jean-Luc Evard (2005). Il est à noter que son cercle culturel va fournir de nombreux cadres à la résistance allemande.
Le 17e Reiterregiment de Bamberg[]
Stauffenberg jeune écrit :
- Devenir digne de la Patrie c'est se battre pour son pays et ensuite se sacrifier dans une dernière lutte pour le peuple.
Comme son frère, Claus obtient son Abitur, en 1926. Malgré une santé fragile, il abandonne ses brillantes études littéraires pour entamer une carrière militaire. Seul son frère, Alexander von Stauffenberg, devient historien.
En 1926, il rejoint le régiment traditionnel de la famille, le 17e Reiterregiment de Bamberg (= 17e régiment de cavalerie). Le 18 août 1927, il est Fahnenjunker-Gefreiter.
D'octobre 1927 à août 1929, il poursuit son instruction dans l'Infanterieschule de Dresde, puis dans la Kavallerieschule de Hanovre. Le 15 octobre 1927, il n'est que Fahnenjunker-Unteroffizier.
En juillet 1929, Claus von Stauffenberg débute sa carrière d'officier, comme Fähnrich (= aspirant), en réintégrant le 17e Reiterregiment de Bamberg. Le 17 août 1929, il reçoit une épée d'honneur.
En 1930, il est contrôleur et devient Leutnant. Aux examens il a les meilleurs résultats.
Dans la République Internationale des Lettres, de juillet 1994, Renate Böschenstein, chargée de noms en littérature allemande à l'Université de Genève, écrit :
- Formé à l'image du vrai héros, en homme de haute culture, Stauffenberg a bien vu que les nazis n'étaient qu'une contrefaçon du modèle et dès lors, c'était à lui de jouer le rôle que Hölderlin a toujours imparti à ses héros grecs : le tyrannicide.
L'avénement du IIIe Reich (30 janvier 1933)[]
Son vieux maître, Stefan George (1868-1933), se laisse mourir quand les nazis prennent le pouvoir. Claus et son frère sont ses exécuteurs testamentaires et font partie de la garde d'honneur lors de ses funérailles, à Locarno. Son oncle, Nikolaus von Üxküll-Gyllenband (1877-1944) participe dès cette époque au mouvement de la résistance militaire prussienne contre le régime d'Adolf Hitler.
Stauffenberg est nommé Oberleutnant (= lieutenant de 1re classe), le 1er mai 1933. C'est la même année qu'il épouse Nina von Lerchenfeld (1913-2006).
Comme le précise Peter Hoffmann, dans La Résistance allemande contre Hitler (1984) :
- Stauffenberg n'a jamais été national-socialiste, ni au sens propre du terme, ni comme adepte converti au mouvement par idéalisme fourvoyé. Ce qu'avait apporté le nouveau régime ne correspondait en aucune façon à l'idée que Stauffenberg se faisait d'une nouvelle vie politique. Un homme tel que lui ne pouvait pas se méprendre sur la perversité des individus au pouvoir.
La photo, que l'on voit un peut partout, d'un jeune officier en uniforme de SS, faisant un discours avec derrière lui un énorme drapeau hitlérien, n'est pas une photo de Stauffenberg. Il s'agit en réalité de Léon Degrelle, le chef des nazis wallons, de retour de l'Ostfront, dont voici la photo. Claus n'apprécie déjà pas de porter des croix gammées sur ses uniformes.
J.-F. Thull, dans un excellent article du site thetrum belli sur Stauffenberg écrit :
- Ainsi, le 16 septembre 1934, requis pour représenter son régiment à une journée du NSDAP à Bamberg, il est contraint d'assister au discours délirant du pornographe nazi Julius Streicher, qui se lance dans l'une de ses habituelles tirades contre les Juifs. Ecœuré par tant de brutalité et de bassesse d'âme, Stauffenberg, exaspéré, se lève, quitte sa place devant toute l'assistance, et se dirige vers la sortie. Il est intercepté par deux officiers SS. Après un bref échange verbal, il parvient à quitter le hall où se tenait le rassemblement. Il semble que Julius Streicher, ce soir là, l'agresse personnellement en faisant un lien entre l'oeuvre de Stefan George (1868-1933) et le dadaïsme juif et en affirmant que d'ailleurs le vrai nom du penseur est Henry Abele.
Du fait des idées nazies en faveur de la guerre éclair, Stauffenberg étudie les armes modernes (chars et parachutisme) à la Kriegsakademie de Berlin, mais il reste un spécialiste de l'utilisation des chevaux, qui vont continuer à réaliser une grande partie des fonctions de transport durant la Seconde Guerre mondiale. D'ailleurs, le 1er octobre 1934, on le retrouve officier-instructeur à l'école de cavalerie de Hanovre.
Kriegsakademie (1936)[]
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Le 6 octobre 1936, Claus von Stauffenberg est accepté à l'Académie militaire (= Kriegsakademie) de Berlin et reçoit une médaille, mais que de IVe classe.
Après le chevalier de Bamberg, son nouveau surnom est le nouveau Schlieffen.
Claus vit avec sa femme et ses fils, nés en 1934 et 1936, au 20 Waltharistraße, à Berlin-Wannsee.
Stauffenberg s'intéresse beaucoup à la géopolitique, lit des journaux anglais et paraît plus intéressé par la politique que les questions militaires. En 1937, Claus parcourt les champs de bataille de la Prusse orientale en 1914-1915, Tannenberg et Gumbinnen. Il parle à un ami des tombes dispersées sur l'ensemble du Gau de soldats allemands, du château de Malbork, des chevaliers teutoniques, des témoignages authentiques de l'ancien empire au début de novembre 1937.
L'Ordre des chevaliers teutoniques et ses membres sont persécutés par les nazis. Comme Stauffenberg et sa famille ils vont résister. J.-F. Thull, dans son article du site thetrum belli sur Stauffenberg écrit :
- Pétri dans les valeurs aristocratiques et pénétré de son devoir, en tant que protecteur de la nation allemande, gardien de ses lois ancestrales et de ses traditions contre l'injustice et la tyrannie, Stauffenberg sera profondément affecté par l'outrage que les nazis feront subir à l'Allemagne, une Allemagne dont ils feront le champ d'expérimentation de leurs fantasmes criminels, emportant dans leur folie meurtrière les Allemands, leur passé, leur présent et leur avenir. Pour Stauffenberg, les nazis sont undeutsch, étrangers au génie allemand. Ils servent une funeste idéologie, et non l'Allemagne.
1re division légère allemande (1938)[]
Le 1er janvier 1937, il est capitaine de cavalerie (Rittmeister) au sortir de la Kriegsakademie.
En 1938, Stauffenberg est affecté à la 1ère division légère allemande, dirigée par Erich Hoepner (1886-1944). Ce général est un anti-nazi convaincu. Déjà, cette année là, il veut massacrer les SS, mais le plan échoue !
En tant qu'officier d'état-major, Stauffenberg est responsable de l'organisation des services logistiques de sa division. Après avoir été comparé au chevalier de Bamberg, à Schlieffen, il est considéré par certains comme le seul officier d'état-major allemand génial.
Lors des agressions contre la république tchécoslovaque, il se soucie beaucoup du sort des civils (allemands et tchèques).
Ce jeune officier patriote est choqué par les actes antisémites de la Kristallnacht, le 9 novembre 1938, qui constituent pour Stauffenberg un véritable choc. Il est déçu de l'attitude passive de l'armée allemande face à ces crimes encouragés par l'état national-socialiste. Il imagine les conséquences pour l'image de son pays de cette politique d'agression envers les nations voisines et les juifs. Et effectivement quand les généraux Ludwig Beck (1880-1944), et Halder (destitué en 1942), et l'amiral Wilhelm Canaris (1887-1945) demandent de l'aide pour tuer Hitler, aux Britanniques, ils sont éconduits.
Pendant ce temps, le succès diplomatique énorme que constituent les accords de Munich, fait croire aux masses allemandes que l'Allemagne va diriger le monde. Les démocraties se réjouissent à tort d'avoir sauvé la paix. Seul Churchill est conscient du danger nazi et veut l'éliminer.
Malgré son vieux maître, Stefan George, Stauffenberg est resté un catholique pratiquant. Hors si l'Eglise catholique a signé le Reichskonkordat, en 1933, les nazis s'en prennent tout de même aux catholiques. Après la diffusion de l'encyclique Mit brennender Sorge, en 1937, 1.100 prêtres sont arrêtés. Stauffenberg dit que le tyran est un homme que Satan possède tout entier. La politique étrangère agressive de celui qu'il surnomme le caporal bohémien entre dans sa phase offensive. Stauffenberg murmure Der Narr macht Krieg (= le fou va faire la guerre), écrit J.-F. Thull, dans son article du site thetrum belli sur Stauffenberg.
DER NARR MACHT KRIEG[]
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Conquête de la Pologne, 1939[]
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Après le déclenchement de la guerre, en 1939, Stauffenberg et sa division prennent part à l'attaque contre la Pologne. Il ne faut pas trop s'illusionner sur le fait que la Leichte-Division, soit l'ancêtre de la 6e Panzer. En septembre 1939, elle n'est ecore équipée que de petits chars allemands, surnommés boîtes à sardines et des Panzerkampfwagen 35(t), d'origines tchèques, incapables d'affronter des chars modernes.
Les brigades de cavalerie Wielkopolska et Podolska à Laski, Sieraków, Izabelin, Truskaw, chargent les chars. La Leichte-Division perd 600 soldats. Elle a de nombreux blessés et compte quelques centaines de prisonniers. Plusieurs dizaines de chars sont détruits.
Claus von Stauffenberg est contre le Diktat de Versailles. Il pense que 800.000 Volksdeutchen n'ont pas à devenir Polonais. Comme toute l'aristocratie allemande il veut récupérer les territoires colonisés par les chevaliers teutoniques depuis le Moyen-Âge. Ce sont là des idées qui datent de l'époque impériale et qu'il semble partager avec les Hitlériens.
Le nazisme essaie par sa propagande d'exploiter ce sentiment et cette nostalgie des Teutoniques
Pourtant quand les SS et la Gestapo commencent à massacrer les élites polonaises, les résistants, les juifs, et à réduire le reste en esclavage. Stauffenberg et beaucoup d'officiers allemands protestent. Stauffenberg va plus loin, il fait arrêter et traduire devant une cour martiale un officier allemand qui a donné l'ordre d'exécuter sommairement deux femmes polonaises. Le général Blaskowitz agit de même. Il est dégradé. Claus n'est pas sanctionné.
Au contraire il est fait Hauptmann, le 1er novembre 1939 et envoyé à l'ouest.
Après la campagne de Pologne, son oncle, Nikolaus von Üxküll-Gyllenband (1877 - 1944), son cousin, Peter Yorck von Wartenburg (1904 - 1944) et Ulrich von Schwerin Schwanenfeld (1902 - 1944) le pressent pour devenir l'aide de camp de Walther von Brauchitsch, le commandant suprême de l'armée, afin de participer à un coup d'Etat contre Hitler. Stauffenberg leur rappelle qu'il a prêté serment au Führer, en 1934, comme tous les officiers allemands (= Führereid).
Bataille de France, 1940[]
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La Leichte-Division est rebaptisée 6e Panzer Division, le 18 octobre 1939. Claus von Stauffenberg est second officier d'état major lors de l'offensive allemande. Comme beaucoup d'autres, Stauffenberg est très impressionné par le succès militaire, qui pour les vieux officiers allemands paraît surprenant.
Le 31 mai 1940, Stauffenberg est nommé à l'OKH, l'état-major général. Il va y demeurer jusqu'en 1943.
Stauffenberg reçoit la croix de Fer de première classe pour sa conduite lors de la campagne de France. Pourtant, il s'oppose fermement à l'application de l'ordre d'Hitler, selon lequel tout aviateur allié capturé doit être passé par les armes. Son éthique de chevalier, sa conscience, et les lois de la guerre, font qu'ils respectent les prisonniers et les femmes et les enfants.
Comme nous l'avons vu en Pologne, il a du faire condamner un criminel de guerre. En France, dont les nazis veulent, à cette époque uniquement, faire une alliée, ces règles sont à peu près respectées en 1940.
Par contre, en Russie, les lois ne vont pas s'appliquer, dès le départ. Puis, partout en Europe les nazis vont tuer, torturer et déporter des dizaines de millions de prisonniers ou de civils.
Le 1er janvier 1941, Stauffenberg devient commandant. Après les premiers succès militaires éphémères, il réalise l'inefficacité du commandement de la Wehrmacht, entièrement soumise aux diktats idéologiques des nazis. Hitler se prend pour un très grand stratège et pense que ses soldats sont les meilleurs du monde. Les généraux formés dans les écoles d'état-major sont remplacés par des nazis et l'ex-caporal Hitler se met à dessiner de vagues plans de bataille.
Les invasions de la Yougoslavie et de la Grèce lui permettent de le faire croire à quelques naïfs. Claus participe à cette campagne qui retarde l'invasion de la Russie de deux mois. Les parachutistes allemands se font massacrer pour conquérir la Crête.
Le 25 octobre 1941, Claus est décoré de l'Ordre royal bulgare.
Opération Barbarossa, 1941[]
Lors de l'invasion de l'Union soviétique Stauffenberg est envoyé en mission en Ukraine et en Russie. Il ne peut que déplorer les exactions des Einsatzgruppen, de la Gestapo, mais aussi des Waffen SS et de certains éléments de l'Armée.
Hitler a décidé que le pouvoir des généraux va dorénavant se limiter au front. A l'arrière ce sont les organismes répressifs, idéologiques et déprédateurs du parti qui vont conduire une guerre idéologique et une lutte des races qui appelle un degré sans précédent de dureté, dixit Hitler.
En tant que responsable des Ostlegionen à l'OKW, Claus demande un changement de politique dans les territoires occupés. Particulièrement dans le contexte de la guerre dans le Caucase, pendant laquelle il veut faire à partir des déserteurs ou prisonniers de l'Armée rouge et de volontaires des unités combattant du côté allemand. Les Arméniens, Géorgiens, les peuples du Caucase du Nord, dont les Tchétchènes, mais également les Azerbaïdjanais forment des Légions de l'Est, combattant dans la Wehrmacht et les Waffen SS.
Le major-comte Stauffenberg veut transformer cette guerre classique en guerre civile.
Comme la plupart des aristocrates d'origines même en partie germano-baltes, il a le plus grand mépris pour le Russe bolchévisé, mais pas, à la différence des nazis, pour le peuple russe. À cette fin, son ministère le 2 juin 1942 envoie des ordres et en août 1942, l'organisation et aussi l'utilisation des Légions de l'Est commence.
La Finlande de Mannerheim remet à Stauffenberg, le 11 décembre 1942, la Croix de la liberté.
Claus est très inquiet pour sa belle-soeur, Melitta Schiller, qui est certes pilote d'essai de la Luftwaffe, mais aussi d'origines juives.
Interrogé après sa capture par l'Armée rouge en 1944, un ami de Stauffenberg, le Major Joachim Kuhn déclare :
- Stauffenberg en août 1942 m'a dit ils massacrent les juifs systématiquement. Cette politique criminelle ne peut pas se prolonger.
Après son arrestation en juillet 1944, Berthold von Stauffenberg (1905-1944), son frère aîné, torturé par Gestapo, est forcé de déclarer que :
- Lui et son frère avaient approuvé le principe racial du national-socialisme, mais l'avaient estimé exagéré et excessif.
L'ex-caporal Hitler ordonne que les officiers abandonnent leurs conceptions chevaleresques périmées.
Le fait qu'Hitler devienne le commandant suprême des armées, à la fin de 1941, pousse également Claus à rejoindre les noyaux de résistance qui se forment dans la Wehrmacht. Les frères Stauffenberg contactent Erich Hoepner (1886-1944), le Cercle de Kreisau, des civils, dont des sociaux-démocrates, comme Julius Leber (1891-1945), pour liquider le dictateur et préparer une alternative démocratique.
À la fin de 1942 quelqu'un demande à Claus ce qu'il faut faire d'Hitler. Selon Joachim Fest, Hitler (2002), il répond :
- Tuez-le !
Tunisie, 1942[]
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Jusqu'à la mi-novembre 1942, il occupe, avec la 10e Panzer, la zone libre occupée. Cette division a beaucoup souffert sur le front de l'est. Complêtée, elle est envoyée, fin 1942, soutenir l'Afrika Korps de Rommel.
Le 1er janvier 1943, le jeune comte est promu lieutenant-colonel.
Le 26 janvier 1943, quelques jours avant la capitulation de la VIe armée à Stalingrad, Stauffenberg rencontre Manstein pour lui demander de se joindre à la conspiration, nous disent dans leur Erich Von Manstein : Hitler's Master Strategist, Benoît Lemay et Pierce Heyward. Un certain Stahlberg demande à von Manstein son impression sur Stauffenberg. Manstein lui répond qu'il est depuis trop longtemps à l'état-major et qu'il faut l'envoyer au front. Manstein ajoute qu'il ne veut pas participer à ses actes de trahison... Le Stauffenberg et sa clique de traîtres ont à plusieurs reprises tenté d'assassiner le Führer, selon Field Marshal Von Manstein, a portrait : the Janus head, de Marcel Stein. En réalité Manstein a très peur de la Gestapo.
Est-ce par hasard, ou du fait de Manstein, mais Stauffenberg est transféré en Afrique du Nord, comme officier d'une unité spéciale de chars de la 10e Panzer, chargée de faire des reconnaissances et aller observer les mouvements de l'ennemi. C'est une mission très dangereuse, mais Stauffenberg dit au maréchal
- ô combien il est heureux d'être en Afrique, dixit Stauffenberg : a family history, 1905-1944, de Peter Hoffmann (2003).
Sa division et la 21e Panzer se replient sur Mezzouna.
Dans une attaque, à basse altitude, le 7 avril 1943, il est gravement blessé. Il perd son œil gauche, sa main droite et deux doigts de sa main gauche. Il est soigné à Munich, par le célèbre chirurgien Ferdinand Sauerbruch. Malgré les terribles douleurs, Stauffenberg refuse la morphine qu'on lui propose, suscitant l'admiration de tout le personnel hospitalier. Il réapprend à écrire avec les trois doigts de la main gauche.
Claus reçoit trois médailles dont une italienne.
A l'hôpital, il constate que le fanatisme politico-idéologique est devenu le seul critère de promotion au sein de la Wehrmacht. Les armées allemandes ne peuvent pourtant que se replier et les ordres d'Hitler entraînent des combats défensifs coûteux en vies humaines. Les populations civiles sont massacrées par des bombardements. Hitler après avoir promis la victoire finale provoque la destruction de l'Allemagne. En sacrifiant des millions d'Allemands, le dictateur va retarder la capitulation de deux ans.
J.-F. Thull, dans son excellent article du site thetrum belli sur Stauffenberg nous rappelle que Claus écrit à sa femme Nina :
- Je sens que je dois faire quelque chose pour sauver l'Allemagne. Même si l'entreprise est vouée à l'échec, il faut la tenter. L'essentiel est de prouver au monde et à l'histoire que le mouvement de résistance existe, et qu'il a osé passer aux actes, au prix de sa vie.
LA RÉSISTANCE[]
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La résistance militaire allemande[]
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La Wehrmacht l'envoie se soigner à son domicile, à Schloss Lautlingen, l'un des châteaux des Stauffenberg, dans le sud de l'Allemagne.
En septembre 1943, une fois remis de ses blessures graves, avec l'aide de son ami Henning von Tresckow (1901 - 1944), il est de retour au service actif à Berlin, sous le commandement du général Friedrich Olbricht (1888 - 1944), comme officier d'état major de l'Ersatzheer ( = Armée de renfort). Olbricht est un membre actif du mouvement de résistance. Le Ersatzheer permet de mettre l'opération Walkyrie en place.
Avant cela des amis de Claus ne réussissent pas à tuer le tyran :
* En mars 1943, Henning von Tresckow (1901-1944) et le lieutenant Fabian von Schlabrendorff, petit-fils d'un Electeur de Saxe, ne réussissent pas à faire sauter l'avion d'Hitler.
Axel Freiherr (Baron) von dem Bussche-Streithorst planifie un attentat-suicide contre Adolf Hitler en novembre 1943. À cause de son hospitalisation, von dem Bussche ne peut pas prendre part avec Claus au complot du 20 juillet 1944.
* Ewald-Heinrich von Kleist-Schmenzin planifie un autre attentat-suicide contre Adolf Hitler, mais échoue. Il participe à l'opération Walkyrie contre Adolf Hitler. Interné à Ravensbrück, il est l'un des rares comploteurs à survivre au nazisme.
Le capitaine Eberhard von Breitenbuch veut tuer Hitler, en mai 1944, avec son pistolet, au Berghof, près de Berchtesgaden, mais les SS ne le laissent pas entrer.
Par la suite, un certain Kuhn, figurant dans ces complots anti-hitlériens, fait prisonnier par les Soviétiques, monte avec eux un dossier contre les organisateurs de l'opération Walkyrie. En 1989, le dernier des dirigeants communistes soviétiques, Mikhaïl Gorbatchev, présente ces documents au chancelier allemand Kohl. Les résistants sont présentés non comme des anti-hitlériens, mais comme des membres de la noblesse défendant leurs privilèges.
Il est vrai qu'après le massacre des officiers polonais à Katyn, et la joie de Himmler annonçant qu'il a massacré 96% des nobles polonais, la noblesse européenne se sent menacée par les deux totalitarismes. Les affiches nazies sur le drame de Katyn ne font pas oublier aux Junkers qu'Hitler les déteste car ils représentent l'Allemagne éternelle.
A l'Est, les troupes staliniennes avancent massacrant parfois les prisonniers et les civils. Malgré leur patriotisme et les bombardements meurtriers des alliés, certains officiers, le 6 juin 1944, estiment la guerre est perdue. Seul un armistice immédiat peut éviter la destruction de l'Allemagne et des autres nations européennes. Cependant, Stauffenberg, en voulant que son pays conserve les frontières orientales de 1914, est trop exigeant. Parmi ses autres conditions figurent l'annexion de l'Autriche, de la région des Sudètes, l'autonomie de l'Alsace-Lorraine, et même l'annexion du Tyrol italien. Il ne veut pas d'occupation de l'Allemagne par les Alliés et des juges allemands pour les criminels nazis. Ces propositions sont destinées uniquement aux alliés occidentaux. Stauffenberg exige même le droit de continuer l'occupation militaire des territoires occupés à l'Est.
Préparatifs du 20 juillet 1944[]
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Depuis début septembre 1943 jusqu'au 20 juillet 1944, von Stauffenberg est l'organisateur et le chef de l'opération Walkyrie, qui vise à assassiner Hitler et à prendre le contrôle de l'Allemagne. Avec l'aide de son ami Henning von Tresckow (1901-1944), il unifie les conspirateurs et les préparent à l'action.
Même si les nombreux comploteurs veulent une restauration des Hohenzollern, Stauffenberg veut s'allier avec le peu de restes du parti communiste (KPD) et impose Julius Leber (1891-1945), un social-démocrate alsacien, comme vice-chancelier du futur gouvernement provisoire. Carl Friedrich Goerdeler (1884-1945) parle alors de Stauffenberg comme d'un agité mystique d'extrême-gauche. Manstein raconte même qu'il est un agent communiste.
Stauffenberg n'est pourtant en rien marxiste, il veut l'instauration d'une démocratie solidariste. Mais Carl Friedrich Goerdeler (1884 - 1945) et Manstein sont des ultra-conservateurs.
J.-F. Thull, dans son excellent article du site thetrum belli sur Stauffenberg, cite Stauffenberg :
- Nous voulons un ordre nouveau qui fasse de tous les Allemands le support de l'Etat et qui soit le garant du droit et de la justice (...) Nous voulons un peuple qui plongeant ses racines dans la terre de la patrie, ne s'éloigne pas des forces naturelles, qui trouve son bonheur et sa satisfaction en agissant dans le cadre de vie donné et qui, fier et libre ; surmonte les penchants méprisables à l'envie et à la malveillance. Nous voulons des dirigeants qui, issus de toutes les couches du peuple, et unis aux puissances divines, soient placés à la tête des autres par leur générosité, leur sens du sacrifice et de la discipline.
Cet ordre nouveau est donc tout le contraire du système totalitaire stalinien.
Outre Friedrich Olbricht (1888 - 1944), Stauffenberg noue des contacts avec les généraux Ludwig Beck (1880-1944), Karl-Heinrich von Stülpnagel (1886-1944), Hellmuth Stieff (1901-1944), mais aussi Fritz-Dietlof Graf von der Schulenburg, le Feldmarschall Erwin von Witzleben (1881 - 1944), l'amiral Wilhelm Canaris (1887 - 1945) et le colonel Hans Oster (1887 - 1945).
Les membres du Cercle de Kreisau, fondé par Helmuth James, comte von Moltke (1907-1945) et le cousin de Stauffenberg, Peter Yorck von Wartenburg (1904 - 1944) font partie du complot. Adam von Trott zu Solz (1909-1944) essaie en vain d'obtenir l'aide des Alliés occidentaux.
Au niveau de l'opposition civile nous retrouvons les nationaux-conservateurs Carl Friedrich Goerdeler (1884 - 1945) et de Ulrich von Hassell (1881-1944) qui veulent la chute du national-socialisme et la mort du tyran.
Stauffenberg est conscient qu'il va commettre un acte de haute trahison. Il n'ignore pas les lois, mais, comme le poète et patriote allemand, Ernst Moritz Arndt, l'écrit dans Glucke der Stunde, il estime que : Le véritable honneur militaire réside dans le fait qu'aucune force, qu'aucun pouvoir ne puisse contraindre un homme noble et libre à accomplir ou à aider à accomplir un acte ignoble ou inique. Il dit au jeune Axel Freiherr (Baron) von dem Bussche-Streithorst, fin 1943, qu'il veut commettre la haute trahison avec toutes ses forces et ses moyens ... Il pense que son attentat, s'il réussit, va sauver la vie à des millions de personnes, en mettant fin à la guerre.
L'attentat[]
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Le 1er juillet 1944, Claus devient Oberst (= colonel).
Friedrich Olbricht (1888-1944) le fait nommer auprès du général Friedrich Fromm (1888-1945), à Berlin. Son poste lui permet d'assister aux conférences de l'OKW, auxquelles Hitler participe.
Le 5 juillet 1944, le social-démocrate alsacien Julius Leber (1891-1945) est arrêté. Claus dit à sa future veuve : Nous sommes conscients de notre devoir.
Le général Hellmuth Stieff (1901-1944), le 7 juillet 1944, prévient les autres comploteurs qu'il ne peut supprimer Hitler au château de Klessheim, près de Salzbourg. Claus décide alors de tuer lui-même le tyran. Ainsi, Stauffenberg peut fixer, avec le colonel Albrecht Mertz von Quirnheim (1905-1944), les modalités de l'opération Walküre, dont le nom vient à l'origine d'un plan pour neutraliser une rébellion anti-nazie.
Stauffenberg sait que son plan ne réussira pas. Il dit à Nina : Ce qu'il y a de plus terrible, c'est de savoir que cela ne peut réussir, mais qu'il faut néanmoins le faire pour notre pays et pour nos enfants. J.-F. Thull, dans son article du site thetrum belli sur Stauffenberg, nous rappelle ses mots du poète Stefan George :
- Il faut seller les chevaux noirs ; galoper aux champs d'épouvante jusqu'à nous perdre en marécages ou mourir frappés de la foudre.
Henning von Tresckow (1901-1944) lui dit que c'est le seul moyen de prouver au monde que le régime d'Hitler et l'Allemagne ne sont pas la même chose et que tous les Allemands ne soutiennent pas le régime.
Stauffenberg et son adjoint, le lieutenant Werner von Haeften, arrivent de l'aérodrome de Berlin-Rangsdorf à 10 heures, le 20 juillet, avec un Junker Ju 52. A la Wolfsschanze, Stauffenberg entre dans la salle de briefing avec une serviette contenant une bombe. Il la place sous la table de conférence, au plus près d'Hitler.
Quelques minutes plus tard, il s'excuse et quitte la pièce. Après sa sortie, sa serviette est déplacée par le colonel Heinz Brandt. Quand l'explosion ravage la cabane, Stauffenberg est convaincu que personne ne va en sortir vivant. Une lourde table de conférence en chêne fait que le tyran n'est que légèrement blessé. La cabane en bois avec des fenêtres qui a du remplacer un bunker du fait des travaux contribue à sauver la vie d'Hitler. Ce qui va provoquer la mort de millions de victimes du nazisme de juillet 1944 à mai 1945.
Stauffenberg arrive néanmoins à l'aérodrome sans être arrêté. Stauffenberg considère comme acquise la mort d'Hitler, ne sachant pas ce qui s'est réellement passé. Après son retour à Berlin, il lance la seconde phase du coup d'Etat militaire contre les dirigeants nazis. Lorsque Joseph Goebbels, annonce à la radio que Hitler est vivant et plus tard, Hitler lui-même parle à la radio, lLes conspirateurs réalisent que leurs jours sont comptés.
A Paris 1.200 suppôts du régime sont arrêtés, puis libérés.
Stauffenberg est blessé à l'épaule lors de cette tentative de prise du pouvoir.
Les bourreaux nazis[]
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Dans le complot du 20 juillet 1944, plusieurs disciples de Stefan George sont impliqués. Outre Claus, son frère Berthold von Stauffenberg (1905-1944) compte parmi les victimes de la répression. Son autre frère, l'historien Alexander von Stauffenberg, bien que deux fois blessés au combat, est déporté. Sa femme, Melitta Schiller,(1903-1945), pilote d'essai de la Luftwaffe, est également déportée. Bien que d'origines juives, comme les nazis ont besoin d'elle, cette comtesse est relâchée. Elle est abattue par un chasseur allié à la fin de guerre, en allant délivrer son mari des camps.
Günther von Kluge, Albrecht Haushofer, l'amiral Canaris et d'autres centaines de militaires de haut grade vont être arrêtés, puis exécutés et leurs familles déportées. L'ancien supérieur en Afrique de Stauffenberg, le maréchal Rommel, qui connaissait l'intrigue, mais n'a pas participé, est contraint de se suicider.
Le 4 août 1944, à titre posthume, Stauffenberg est chassé de la Wehrmacht par le Führer et une soi-disant Cour d'Honneur de l'Armée.
Avant cela Stauffenberg et plusieurs autres sont abattus dans la cour du Bendlerblock, le QG de l'armée dans le centre de Berlin, dans les heures suivant la tentative de putsch. Quand vient son tour d'être exécuté, Stauffenberg a ses derniers mots, Vive notre sainte Allemagne. D'autres disent que ses derniers mots sont : Es lebe das Geheime Deutschland !, référence à es idées soi-disant mystiques. Son dernier lieu de repos ne va être retrouvé. Un inspecteur du cimetière Gueterfelde, dans le quartier Wilmersdorf de Berlin, va affirmer avoir été réveillé de son sommeil par un détachement de SS, demandant à être guidés vers une zone où ils pourront creuser une fosse commune pour 10 corps. Le Service allemand d'enregistrement des tombes militaires n'a aucune connaissance de l'enterrement.
Non seulement la famille de Claus von Stauffenberg, sa femme et ses enfants, mais tous les membres du clan von Stauffenberg sont arrêtés par les SS et emprisonnés dans différents camps. Certes l'ordre de leur exécution sommaire arrive, lors de la chute, en mai 1945, mais les SS n'exécutent pas l'ordre et certains des Stauffenberg sont livrés aux Britannique dans le nord de l'Italie.
20.000 ou 32.000 Allemands, selon les sources, sont tués ou morts dans les camps de concentration lors de cette répression.
De nos jours[]
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Karl Heinz Bohrer, critique culturel et littéraire, éditeur, et professeur à l'Université de Stanford, écrit, dans le quotidien de gauche, Süddeutsche Zeitung, du 30 janvier 2010, que :
- Stauffenberg est un modèle. Stauffenberg a un impératif moral, un code des valeurs aristocratiques d'honneur, est pénétré de la doctrine catholique ou de poésie romantique. Son affinité initiale pour le national-socialisme, comme renouveau spirituel, ne dure pas.
Son soutien est éphémère et mesuré, en tous les cas plus modéré que celui des 12.500.000 de membres du parti nazi en 1944.
En 1980, le gouvernement allemand établit un mémorial pour le mouvement de résistance anti-nazie dans une partie de la Bendlerblock. La rue Bendler est rebaptisée Stauffenbergstrasse, et le Bendlerblock abrite désormais le Mémorial de la Résistance allemande.
Aujourd'hui, il y a plus de rues à travers l'Allemagne du nom de Claus von Stauffenberg que pour toute autre personne.